Les jours s’en vont. Je demeure
Il y a deux ans que je ne t’ai pas vu, comment vas-tu ? Là-bas, Il n’y a aucune voiture, je l’espère…Au bout de 704 jours, enfin, j’arrive à prendre le stylo et à t’écrire pour te déclarer mon amour, tout en te suppliant de cesser de m’aimer. Oui, oublie-moi, car je t’aime. Tu le feras, n’est ce pas ? Toi, que j’ai connu dès la naissance.
Grandis côte à côte, nous avons passé tant de jours ensemble que je ne me souvienne plus de la date exacte où j’ai commencé à t’aimer. Combien de jours printaniers avons-nous mis à construire des châteaux mobiles dont tu étais le hôte, moi la hôtesse ? Chaque fois que tu m’appelais ‘ma femme’, une joie vague me gonflait. Peut-être, au printemps de la vie, le grain de cet amour était déjà semé dans mon cœur. Il poussait, fleurissait au fil du temps, à mon insu. Je ne me suis aperçu de son existence que lors de notre première rencontre après nos déménagements, au collège. C’est à ce moment-là que j’ai compris les causes de ma solitude et de mon chagrain d’autrefois. La vie devenait insupportable en cas de ton absence. Je cherchais toujours des excuses afin de pénétrer dans ta classe et de te jeter un coup d’œil. L’amour n’est-il pas un mentor qui forme les plus ingénieux élèves ? Un apercu sur toi me consolait et m’enchantait toute une journée comme si maman me donnait un jouet que j’avais désiré depuis lontemps.
Je me serais contentée de te contempler de loin, si le destin ne nous n’avait pas mis dans la même classe. Mais il est de mauvaise foi comme il l’est en général. Au lycée, nos rencontres quotidiennes ont engraissé l’arbre de mon amour qui devenait plus touffu. Cependant, je n’osais pas partager ses fruits avec toi, chef de l’équipe de basbetball, prince de toutes les filles, craignant la moquerie de nos camarades et surtout ton refus. Croyant que mes pensées étaient gravées sur le front, je m’efforçais à dissiper ce sentiment. Hélàs, en vain ! Ne pouvant pas m’empêcher de te regarder et de poursuivre tes moindres activités, mes efforts rendaient l’amour plus fort ! C’est ainsi que je suis devenue galère de mon âme : tourmentée jour et nuit par le désir et la peur, j’étais plus malheureuse que les prisonniers. Ces derniers ont au moins quelques heures de repos et seront récompensés pour leur travail. Quant à moi, plus de soin je prenais de l’amour, plus désepérée je me sentais.
Si au lieu de m’enfuir, j’avais insisté jusqu’au bout dans ce combat, si j’avais su ton amour, si tu ne m’avais pas envoyé ce baladeur, ou s’il n’y avait eu ni voiture ni chauffeur ivre sur ta route, aujourd’huis nous aurions été heureux, les plus heureux du monde, n’est-ce pas vrai ??? Bête comme je suis, j’ai pris cet appareil, cheval de Troie pour la garantie de notre bonheur avant d’apprendre ton accident. Dans la cassette, tu as dit que tu m’aimais, mais laisser son bien-aimée tout seule dans le monde pour toujours, n’est pas une bonne façon de l’aimer, tu le sais, toi ?
Puisque notre séparation est éternelle, pour la première fois, au nom de l’amour, je te prie de prendre le remède magique du paradis afin de m’oublier : les ailes d’un ange ne doivent pas être enchaînées par ses souvenirs de jadis et je préfère ton bonheure plutôt que ta tristesse, encore que cela demande ton oubli de notre histoire ! Mais ne t’inquiètes pas, notre amour, je le garderai jusqu’à la tombée du dernier flacon de neige dans l’hiver de ma vie pour qu’il ne soit jamais oublié dans la nuit des temps. J’y demeure toujours pour toi, je te le promets !